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SE BATTRE JUSQU'AU DERNIER SOUFFLE POUR LA LIBERATION DU KONGO
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22 février 2010

Les prêtres de Bukavu en France parlent de la situation de l'est

PRETRES DE L’ARCHIDIOCESE DE BUKAVU

EN INSERTION PASTORALE ET EN MISSION D’ETUDES

EN FRANCE

C /° Père Albert ZIHALIRWA CIRIMBAGA

Paroisse Sainte Geneviève

4 rue du Cardinal Verdier

92600 Asnières-Sur- Seine

Concerne : SOS pour la paix en République Démocratique  du Congo : cas de

L’archidiocèse de Bukavu

            

- A Son Excellence Mgr Gérard DEFOIS, Président de Justice et Paix Internationale

- A Son Excellence Mgr Michel DUBOST, Président de Justice et Paix France

- A son Excellence Mgr Marc STENGER, Président de Pax Christi

CC : - A Son Eminence le Cardinal André VINGT-TROIS, Archevêque de Paris

        - A Son Excellence Mgr Gérard DAUCOURT, Evêque de Nanterre

        - A son Excellence Mgr Albert-Marie de MONLEON, Evêque de Meaux

        - A Son Excellence Mgr François-Xavier MAROY, Archevêque de Bukavu

        - A Son Excellence Mgr Robert LE GALL, Archevêque de Toulouse

        - A Son Excellence Mgr Michel SANTIER, Evêque de Créteil

        - A Son  Excellence Mgr Michel PANSARD, Evêque de Chartres

           Eminence, Excellences,   

En vous adressant ces pages, nous désirons recourir à votre sollicitude pastorale et à la compétence des services  dont vous avez la responsabilité pour porter haut et fort la dénonciation d’une complicité meurtrière entretenue en  République Démocratique du Congo (RDCongo). Il s’agit  particulièrement des populations civiles de l’Est de la RDCongo, et plus particulièrement encore des assassinats ciblés contre les prêtres, les religieux, les religieuses et les attaques contre les institutions de l’Archidiocèse de Bukavu.

Les cas les plus récents sont l’assassinat par balle de l’abbé Daniel Cizimya le 6 décembre 2009 dans une attaque du presbytère de Kabare entre 2h00 et 3h00 du matin, l’assassinat par balle de la sœur Denise Kahambu Muhayirwa au monastère cistercien de Murhesa, le 7 décembre 2009 à 19h00. Ces assassinats qui s’ajoutent à plus de 6 millions des congolais morts dans cette tragédie macabre s’inscrivent à l’intérieur d’une série de nombreuses autres actions terroristes et criminelles perpétrées contre des populations innocentes, contre des personnalités influentes, notamment les membres de l’Eglise et de la société civile, journalistes, chefs coutumiers, etc.[1] 

Pour le dire avec l’Abbé Richard Mugaruka, prêtre de l’Archidiocèse de Bukavu, « au-delà de l’émotion légitime et justifiée suscitée par les assassinats ciblés contre les prêtres, les religieux, les religieuses et les institutions de l’archidiocèse de Bukavu, une réflexion et une analyse objectives s’imposent. Il faut, en effet, éviter d’une part, de présenter comme un fait divers ou un accident dû au hasard, une situation dont la répétition pose problème, et d’autre part, de laisser s’installer cette pratique criminelle, injuste et traumatisante contre des innocents. Pour endiguer cette dérive, il est important et urgent d’en chercher et d’en élucider les causes ».[2]  Une telle démarche permettrait, entre autres, de lever le voile sur une opinion confusément entretenue et largement médiatisée sous le vocable d’une guerre interethnique, fratricide ou civile en RD Congo. Il suffit d’interroger l’histoire et la série des événements pour s’en convaincre.

I.        CONTEXTE HISTORIQUE, SOCIO-ECONOMIQUE, POLITIQUE ET GEOSTRATEGIQUE DE LA GUERRE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Depuis plus d’une décennie,  la population congolaise est victime d’une guerre interethnique entre rwandais (hutu et tutsi) qui a été exportée sur le sol congolais par l’Opération Turquoise mandatée par l’ONU et dirigée par la France entre le 22 juin et le 21 août 1994[3] .Rappelons que la machine meurtrière qui sévit à l’Est de la RD Congo jusqu’à ces jours fut mise en marche avec l’assassinat, le 6 avril 1994, des Présidents Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi. L’avion transportant les deux présidents fut abattu au-dessus de Kigali.

Pour faire court, recueillons ce témoignage du Père Tonino Falaguasta lors du treizième anniversaire de l’assassinat de Mgr Christophe Munzihirwa, Archevêque de Bukavu assassiné dès l’invasion de la ville par l’agression extérieure[4] : « Mgr Munzihirwa, en venant à Bukavu en tant qu’Archevêque, en mars 1994, connaissait la situation du Kivu et aussi celle du Congo, à ce temps là encore Zaïre, soumis à la dictature vacillante de Mobutu. L’Afrique aussi, et surtout l’Afrique des Grands Lacs, était aux prises à des tremblements politiques, des changements radicaux. Tout cela avait été favorisé par la chute du mur de Berlin (1989) et par l’effondrement de l’Union Soviétique. La seule grande puissance qui restait, les USA, déployait son influence partout dans le Monde. Le professeur Angelo Turco a fait une analyse de cette situation politique en plusieurs articles parus sur la revue NIGRIZIA, éditée par les Missionnaires Comboniens en Italie. Selon le professeur Turco, les USA, pour ce qui concerne l’Afrique Centrale, soutenaient les pays qui assuraient la paix, la tranquillité et l’exploitation des ressources. Le président de l’Ouganda, Yoweri Museveni, a été adoubé par les USA et par l’Angleterre, depuis son accession au pouvoir, en 1986. Et à travers lui, l’influence des USA sur l’Afrique des Grands Lacs a favorisé l’accession au pouvoir au Rwanda par le FPR, de Paul Kagame, après une lutte armée commencée déjà en 1990 et terminée avec la prise de Kigali en 1994.

Cette prise de Kigali a déclenché une réaction sanglante de la population à partir de l’attentat qui a coûté la vie au Président Habyarimana, le 6 avril 1994. Pendant quelques semaines, des atrocités inhumaines ont été commises par les envahisseurs (le FPR) et par les Rwandais du pays, qui voyaient dans la disparition de Habyarimana la fin de la paix et de l’entente sociale, surtout entre ethnies Tutsi et Hutu. On parle de 800.000 morts, un carnage, de Tutsi et de Hutu. L’opération Turquoise, déclenchée par la France de François Mitterrand, limita ce carnage, mais provoqua la fuite vers le Zaïre de centaines de milliers de personnes, qui fuyaient les atrocités de tout genre et de tous côtés. Entre Bukavu et Goma il y a eu au moins deux millions de personnes qui se sont installées dans des camps de fortune et qui attendaient l’aide des ONG et des Organismes Internationaux pour pouvoir survivre.

Quelle a été l’attitude de Mgr. Munzihirwa, face à cette invasion de réfugiés ? L’accueil sans distinction. Le 26 octobre 1994, il avait écrit dans un message aux Grands de ce Monde : « Le Kivu est en train de devenir la décharge des problèmes créés par le Rwanda et le Burundi dans la Région des Grands Lacs. On a envoyé ici chez nous, depuis 1959 à l’année 1962, des réfugiés Tutsi, que nous avons accueillis. Et puis au courant de cette année 1994, on nous a envoyé des réfugiés Tutsi, et ensuite une grande foule de réfugiés Hutu, que nous avons accueillis et que leur Gouvernement refuse de les accueillir de retour… ». Mgr. Munzihirwa prônait l’accueil sans distinction parce qu’il avait une certaine idée de la personne humaine, une certaine idée de la société, une certaine idée du développement, inspirée des valeurs évangéliques.

Dans un article paru sur la revue « Zaïre Afrique », n°197 de 1986, et qui avait comme titre : « Pour un chrétien, quel développement ? », il disait : « Le développement pour un chrétien est une dynamique qui met en valeur non des richesses, mais des personnes, non des individus, mais une humanité solidaire, non des êtres éphémères voués au néant, mais une multitude qui participe d’un tissu de relations sans limite, pour aujourd’hui et pour l’au-delà de la mort, animées par Celui qui est essentiellement Relation et Amour » (p. 411). Je voudrais souligner quelques mots comme : personnes, humanité solidaire, tissu de relations, Relation, Amour… Ces mots nous font comprendre les raisons pour lesquelles Mgr. Munzihirwa a lutté, a cherché la collaboration des autorités congolaises et internationales, a favorisé le dialogue, le respect mutuel, la paix, l’accueil, la solidarité, l’entraide, le partage des richesses dans la légalité, etc. »[5].

Ce témoignage ne donne-t-il pas toute la mesure de l’action prophétique pour laquelle l’Eglise de Bukavu est persécutée par l’envahisseur depuis l’assassinat de Mgr Munzihirwa Christophe jusqu’à nos jours ? Le marché de l’information est inondé d’écrits décriant les effets néfastes de plus d’une décennie de cette guerre imposée à la RD Congo. Malheureusement et comme toujours, à côté du cri étouffé des défenseurs des droits de l’homme, des rapports de dénonciation des associations et des ONG internationaux, nationaux et locaux ; le crédit nous paraît facilement accordé aux thèses de ceux qui présentent faussement la situation de manière à s’innocenter de leurs crimes et à incriminer les innocents. Cependant, comme on le sait, les faits sont têtus et la vérité finira par triompher !

Voilà brièvement présenté le contexte dans lequel vit l’Eglise de Bukavu. Celle-ci ne peut  s’attendre  qu’ à la persécution si elle veut demeurer fidèle à sa mission de l’annonce de l’évangile et de défense de la dignité de tout être humain ainsi que celle d’être le sacrement de la justice, de la paix, de la réconciliation et de la Vérité dans cette Région d’Afrique des Grands Lacs où le mensonge, la guerre et la désinformation règnent en maître. Qu’on ne s’étonne plus qu’en raison de leur combat légitime, ses pasteurs et d’autres leaders du peuple à Bukavu soient traités de tous les maux diffamatoires par les ennemis de la vérité et de la paix [6].

Après l’assassinat de Mgr Munzihirwa Christophe en 1996, l’exil de 7 mois et trois jours de Mgr Kataliko Emmanuel en 2000 (suivi de sa mort à Rome quelques jours seulement du retour de cet exil), les massacres à l’arme à feu ou à l’arme blanche des prêtres, religieux et religieuses (à Bukavu comme dans d’autres diocèses de l’Est de la RD Congo ), de beaucoup d’autres personnalités influentes ; bref, de plus de 6 millions de Congolais[7](victimes directes et indirectes de cette guerre exportée par les pays voisins et qui dure depuis 1994), quelle autre preuve nous reste-t-il à fournir à la communauté internationale pour dénoncer de telles violations massives de droits de l’homme ?

Certaines voix autorisées ont même osé parler d’un génocide silencieux des congolais  s’opérant dans l’Est du pays en ces termes : « Un vrai drame humanitaire qui s’apparente à un génocide silencieux dans l’Est de la RD Congo se déroule sous les yeux de tous. Les massacres gratuits et à grande échelle des populations civiles, l’extermination ciblée des jeunes, les viols systématiques perpétrés comme arme de guerre : de nouveau une cruauté d’une exceptionnelle virulence est en train de se déchaîner contre les populations locales qui n’ont jamais exigé autre chose qu’une vie paisible et décente sur leurs terres »[8].

Comment pouvons-nous interpréter l’incapacité du gouvernement congolais et de la communauté internationale, incarnée par la Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC), à mettre fin à cette tragédie qui n’a que trop duré ? Dans un message remis à Monsieur Bernard Prévost, ambassadeur de la France en RD Congo, de passage à Bukavu en 2007, Mgr François-Xavier Maroy, Archevêque de Bukavu, s’interrogeait après une série des massacres perpétrés sur l’étendue de son diocèse et dans la région: « Que signifie le silence des Institutions de la République , à savoir le Chef de l’Etat, le Parlement, le Gouvernement central et le Haut Commandement militaire devant les massacres à répétition à Kaniola ? Sous d’autres cieux, pour une prise d’otage, même d’une seule personne, l’appareil étatique de son pays se mobilise. Pour le gouvernement de la République Démocratique du Congo, devant la menace d’une nouvelle guerre et pendant que sévissent des massacres de la population civile, au lieu de s’attaquer au vrai problème qui est d’ordre sécuritaire et militaire, on nous propose la table ronde « intercommunautaire ». Complicité ou ignorance ? Le processus de brassage et « mixage » négocié dans les pays voisins : pourquoi et quel résultat a-t-il produit pour la sécurité de la population civile ? Existe-t-il des accords ou des contrats de nos gouvernants politico-militaires avec nos agresseurs ? »

Si l’ennemi d’hier de la RD Congo peut devenir aujourd’hui un ami, c’est à souhaiter s’il s’agit là d’un fruit d’un accord en bonne et due forme ou d’une entente entre les deux. Mais si cette entente éventuelle n’est qu’une injonction ou résulte d’une pression extérieure en vue de diviser pour régner et régner pour exploiter, tout cela ne peut qu’aggraver la situation de notre pays qui est déjà peu enviable. Mais nous pensons que connaître les enjeux politiques, économiques, géostratégiques et géopolitiques  de la guerre en RD Congo permet de comprendre à quoi tiennent cette incapacité et cette complicité !

II.      LES ENJEUX POLITIQUES, ECONOMIQUES, GEOSTRATEGIQUES ET GEOPOLITIQUES DE LA GUERRE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO[9]

            Dans la Revue Solidaire du 17 août 2009 parue à Bruxelles, nous lisons cette confidence de Colette Braeckman : « Si les Congolais n’avaient pas résisté, le Congo aurait déjà été démembré depuis longtemps. » Et le Journal Le Potentiel titrait au 12 octobre 2009 : « Après le diamant, l’or, le coltan… La guerre du « nickel » en RDC ! »  A cela s’ajoutent le pétrole du lac Albert et bien d’autres richesses du sous-sol, de la flore et de la faune dont regorge la RD Congo. C’est donc autour de  toutes ces richesses et bien d’autres encore que se bousculent toutes les convoitises tant nationales qu’internationales et se forment tous les projets belliqueux aux dénominations farfelues[10]. Il y a donc de nombreux enjeux de la guerre en RD Congo, parmi lesquels nous pouvons citer :

-         La poursuite du plan de la balkanisation de la RD Congo et de la tentative d’annexion de sa partie orientale au Rwanda.

-         L’exploitation illégale des ressources naturelles et stratégiques (le Niobium) dont regorge cette partie du pays.

-         La sécurisation du régime de Mr Paul Kagame au Rwanda, en entretenant un climat de « ni guerre ni paix » en RD Congo et en y installant un flou politique jusqu’au sommet de l’Etat.

-         Bref, les fauteurs des troubles tiennent à affaiblir la RD Congo pour sa meilleure exploitation et plonger sa population dans la misère la plus inqualifiable pour mieux la soumettre.

Faisons remarquer encore que cette longue guerre d’usure est venue à point nommé. Elle a tout simplement trouvé un terrain bien préparé. La RD Congo avait été depuis longtemps mis à genoux par plus de trois décennies de dictature de la Mobutu soutenue par des collaborateurs irresponsables. En 1996, Laurent Désiré Kabila et ses alliés trouvent donc un pays ruiné et prêt à  une implosion intérieure pour se libérer de la dictature. La conquête est alors facile. Mais pas pour le peuple qui la subit, qui en meurt et dont la misère ne fera que s’accroître. Même les attentes que le peuple congolais plaçait dans les premières élections « démocratiques » de 2006 pour l’amélioration de son vécu quotidien semblent aujourd’hui s’étioler. En effet, comme d’habitude, la plupart des dirigeants, des leaders politiques, de responsables d’entreprises, des élus du peuple gèrent les richesses nationales comme des biens privés. Ils manquent de patriotisme et  sont habités par une soif insatiable des postes politiques et des avantages liés à ces postes. Seuls leurs intérêts comptent. Le peuple ne compte pas à leurs yeux. Dans de telles conditions, l’on ne peut ignorer les conséquences de cette guerre pour tout l’ensemble du peuple congolais.

III.    CONSEQUENCES DE LA GUERRE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

La population de Bukavu ne regrettera jamais d’avoir offert son hospitalité aux populations rwandaises (hutu et tutsi)  venues en refuge en RD Congo de manière cyclique. Ce peuple de Bukavu savait cependant que l’invasion de son territoire par les différentes vagues de réfugiés rwandais présageait tout sauf la paix à la longue ! Une présence prolongée des réfugiés rwandais à l’Est de la RD Congo signifiait tout d’abord la déstabilisation de la région au plan sécuritaire, et ensuite la guerre aux conséquences incalculables et dont nous faisons les frais aujourd’hui encore. Entre autres méfaits de cette guerre nous pouvons citer :

-         Une agression extérieure qui implique : un manque de paix, une insécurité accrue et une aggravation  de la misère.

-         Trahison du pays par ses propres fils, assoiffés d’argent et de pouvoir et jouant le jeu des exploitants internes comme externes. Trahison également par la Communauté internationale qui vraisemblablement entretient et laisse pourrir une si dramatique situation.

-         Assassinats bien organisés et ciblés contre l’Eglise (Evêques, prêtres, religieux et religieuses, chrétiens) et autres personnalités influentes (hommes politiques, journalistes, chefs coutumiers, etc.).

-         Profanation des églises et actions ciblées contre les cours royales[11].

-         Massacre à grande échelle des populations civiles congolaises.

-         Massacre à grande échelle des refugié rwandais sur le territoire congolais par les envahisseurs.

-         Violations sexuelles et leurs graves conséquences (VIH/SIDA et autres maladies sexuellement transmissibles, foyers désunis à cause des viols, enfants nés des viols/un traumatisme permanent pour leurs mères, enfants violés à bas âge et dont l’avenir est compromis ; des femmes ou des filles violées en présence de tous les membres de leurs familles, et même des hommes violés. Les violences sexuelles sont donc utilisées comme une arme de guerre qui tue physiquement, moralement et psychologiquement[12]. Elles visent à humilier tout un peuple qu’on hait en détruisant les sources de la vie par les viols répétés.

-         Tortures, disparitions forcées et autres formes de barbarie pour taire toute velléité  de résistance à l’oppression.

-         Destruction de l’écosystème et des infrastructures sociales. A l’époque où l’on parle d’écologie, il serait absurde de ne pas évoquer la destruction de la faune et de la flore de l’Est de la RD Congo pour créer des camps et  procurer du bois de chauffage à des réfugiés rwandais venus par million en 1994.

-         Des centaines des milliers des déplacés de guerre à l’intérieur de leur propre pays.

-         Chômage (une bonne partie de la population vit sans revenu), une pauvreté qui se manifeste par la malnutrition qui touche entre 30 et 50 % des femmes et des enfants, beaucoup de personnes vivent en situation d’insécurité alimentaire chronique.

-         Les richesses du pays sont abusivement et illicitement exploitées par une catégorie de privilégiés et par des bandes armées d’origine étrangère.

-         De nombreux groupes vulnérables se sont formés (refugiés, orphelins, veuves et veufs, enfants soldats, enfants porte-faix, enfant de la rue, enfants non scolarisés faciles à recruter pour les seigneurs de guerre, femmes et hommes violés et traumatisés, accroissement du taux de VIH/SIDA, foyers désunis, etc.).

-         Les montagnes du Kivu sont devenues de véritables lieux stratégiques pour des bandes armées de tout bord qui sèment la mort dans toute la région ; parmi lesquelles il faut signaler les FDLR[13]ces Hutus Rwandais et d’autres groupes rebelles locaux.

Que faut-il proposer après cette présentation de la situation d’une guerre qui n’a  que trop duré  en RD Congo et les conséquences qui en découlent ? Contentons-nous de rappeler encore quelques messages des Pasteurs de l’Archidiocèse de Bukavu ! Ceux-ci avaient proposé quelques pistes de sortie de cette crise mais qui n’ont jamais été suivies :

D’une part, Mgr Munzihirwa Christophe : quelques mois avant son assassinat, ce pasteur écrivait le 03 juin 1996 à Monsieur l’Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en RD Congo, à Kinshasa, en ces termes : « La présence prolongée des réfugiés, avec ses effets néfastes, entraîne des réactions dans la population locale qui trouve que cela suffit et que les refugiés doivent rentrer chez eux. Les déclarations d’autorités zaïroises donnent à croire que le Zaïre s’apprête à les repousser au Rwanda. Pense-t-on aux conséquences désastreuses pour les populations du Sud-Kivu si les réfugiés, comme on peut le craindre refusaient de partir. C’est que la situation au Rwanda a de quoi inquiéter : les arrestations arbitraires continuent ainsi que les disparitions – suivant programmation – de personnes influentes; les conditions de vie dans les prisons sont scandaleuses et rien n’est fait pour juger les prisonniers ; les militaires tiennent la population dans la peur et sous haute surveillance dans ce pays devenu un Etat policier (…). A notre point de vue, poursuit Mgr Munzihirwa, les grandes puissances entérinent une situation de fait : elles appuient la minorité au pouvoir au Rwanda, elles désirent voir les refugiés s’intégrer au Zaïre. De plus, l’aide accordée par certains Etats occidentaux, dont les Etats-Unis, incite Kigali à durcir sa position vis-à-vis des réfugiés. Décisions occidentales qui hypothèquent toute solution de paix et qui auront des conséquences désastreuses pour les populations. Ne voyons-nous pas, depuis deux mois, les incursions des uns et les ripostes des autres, préludes de la guerre dans les Grands Lacs. Qui donc vend ou procure des armes aux uns et aux autres ? Une question essentielle : comment rendre possible le retour des réfugiés chez eux ? En effet, à quoi sert-il de construire le Rwanda alors que 30% de sa population se trouve à l’extérieur ? Car tant que les réfugiés seront à l’extérieur, il n’y aura pas de paix véritable au Rwanda. Prenons-en conscience.  Les pays occidentaux peuvent exercer des pressions sur le pouvoir de Kigali – c’est même leur responsabilité historique – pour créer les conditions de retour des réfugiés ».

D’autre part,  Mgr Emmanuel Kataliko : Dans son message de Noël 1999, ce pasteur disait : « Nous, nous engageons avec courage, avec un esprit ferme, avec une foi inébranlable, à être à côté de tous les opprimés et, si nécessaire, jusqu’au sang comme l’ont déjà fait Mgr Munzihirwa, l’Abbé (Wabulakombe Stanislas) et les religieuses de kasika, l’abbé Georges Kakuja et tant d’autres. L’Évangile nous pousse à récuser la voie des armes et de la violence pour sortir des conflits. C’est au prix de nos souffrances et de nos prières que nous mènerons le combat de la liberté et nous amènerons aussi nos oppresseurs à la raison et à leur liberté intérieure»[14].

A  la suite de ces messages, nous pouvons retenir ce qui suit :

-         La paix  en RD Congo et dans la région de Grands Lacs n’adviendra pas par la voie des armes.

-         Que la communauté internationale mette sous embargo militaire les pays agresseurs de la RDC. Ironie du sort, c’est l’inverse qui s’observe : la RD Congo est sous embargo alors que ses pays agresseurs sont bien fournis en armes.

-         Qu’une Table Ronde et un Dialogue inter-rwandais se tiennent au Rwanda pour régler de manière pacifique, et dans la vérité, le conflit interethnique entre Tutsi et Hutu et pour le retour dans la sécurité et dans la dignité de ceux de réfugiés rwandais qui sont au Congo.

-         Dans ce même ordre d’idées, nous faisons nôtres les propositions faites par les  évêques du Kivu en 2007 et qui demeurent d’actualité :

·        Que la population de la RD Congo redouble de vigilance comme dans le passé; qu’elle accompagne activement ses élus sur les voies démocratiques de la sécurité, du développement et de la dignité humaine;

·        Que la Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC) participe de façon crédible à la protection de la population civile (…), elle a pu accompagner la Transition , elle peut accompagner la consolidation de la paix et de la sécurité qui sont préalables à la reconstruction du pays ;

·        Que la Communauté Internationale fortement représentée en République Démocratique du Congo ne dise pas demain qu’elle ne savait pas : nous la prenons à témoin ;

·        Que le Gouvernement considère le problème de la sécurité comme une priorité et qu’il cesse de distraire l’opinion publique avec des plans de négociations, de dialogues, de tables rondes qui n’aboutiront pas à quelque chose de vraiment pertinent. Nous avons consommé cinq années de Dialogue Inter congolais qui a donné lieu à des Institutions légitimes habilitées à régler normalement ce genre de questions ;

·        Et surtout, que le Chef de l’Etat démocratiquement élu prenne pleinement en mains ses responsabilité s institutionnelles.

En plus de ces propositions des évêques,

·        Nous estimons que si la MONUC pense continuer à observer passivement et à faire uniquement le rapport des massacres du peuple congolais, elle ferait mieux de plier bagage et de mettre fin à sa mission en RD Congo. En outre, nous désavouons l’idéologie religieuse que cette mission impose aux populations congolaises par le bais des boites de conserve.

·        Que le Saint Siège sensibilise les Eglises du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda afin que les gouvernements de ces trois pays travaillent davantage pour la paix, la réconciliation, et la vérité dans la Région des Grands Lacs. Ainsi, le message de la 2ème assemblée spéciale pour l’Afrique du synode des évêques tenue à Rome du 4 au 25 octobre 2010, ceux  du  jubilé d’Argent de l’ACEAC[15]   et  du jubilé d’or de l’instauration de la hiérarchie épiscopale locale en RD Congo[16] pourront produire des fruits que nous sommes en droit d’en attendre en Afrique.

·        Qu’un Tribunal Pénal International pour la RD Congo soit mis en place pour juger les crimes de toutes sortes commis  dans ce pays depuis 1996. La paix est une œuvre de la Justice . Nous les congolais, nous sommes conscients que ces conflits du Kivu sont avant tout des conflits économiques et leurs résolutions ne peuvent ignorer cette dimension économique  même si elle n’est pas la seule. Nous sommes les partenaires attitrés dans la gestion de nos biens. Point n’est besoin de recourir à des intermédiaires opportunistes rwandais, ougandais et ceux d’autres pays pour des transactions économiques et commerciales qui  concernent les congolais au premier plan. Continuer à collaborer avec ces circuits illégaux, c’est entretenir le pillage des richesses du peuple congolais au prix du sang.

IV.  CONCLUSION

« C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne. Je ne vous la donne pas à la manière du monde… » (Jn 14, 27). Car  « Dieu aime le bon droit et la justice, la Terre est remplie de son Amour » (Ps 32, 5).

Eminence, Excellences,

En terminant cette réflexion, nous restons convaincus que ni la vente d’armes ni leur achat ou leur usage ne peuvent procurer à notre monde la Paix que le Christ nous donne. Nous demeurons fermes dans notre espérance que c’est par notre témoignage chrétien que le Royaume de Paix annoncé par le Christ l’emportera sur des foyers de guerre et le terrorisme qui mettent en mal une bonne partie de notre monde contemporain.

En outre, le droit à la vie, le droit au respect de tout homme sont des droits inaliénables, non négociables et universels. Le peuple congolais a aussi pleinement droit de vivre dans la dignité. Justice doit lui être rendue contre les tueries gratuites, les massacres crapuleux, les viols, les pillages éhontés, les destructions sous toutes ses formes dont les congolais sont  victimes. A ceux qui font semblant de ne pas le savoir, nous rappelons que la RD Congo est un Etat souverain qui a des frontières reconnues par le Droit international à l’instar de tous les autres pays du monde. L’intégrité de son territoire et sa souveraineté nationale ne sont donc pas négociables.

En plus, l’Est de la RD Congo, comme bien d’autres parties du monde aspire à une ère de paix. Il tient à entendre un jour, sous un ciel placé à l’abri de tout crépitement de balles, cette prophétie d’Isaïe que nous entendons la nuit de Noël :« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitent le pays de l’ombre une lumière a resplendi. Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie : ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson, comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus. Car le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés comme au jour de la victoire de Madian. Toutes les chaussures des soldats qui piétinaient bruyamment le sol, tous les mantaux couverts de sang, les voilà brûlés : le feu les a dévorés. Oui ! Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom : ‘Merveilleux- Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la- Paix’… Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’Univers » (Is. 9, 1-6).

Nous attendons ce temps qui verra la fin de la guerre et de ses conséquences néfastes. Mais il ne s’agit pas d’attendre simplement ! Plus que jamais, pour notre Eglise de la RD Congo en général et celle de Bukavu en particulier, l’heure est au courage prophétique pour annoncer, dénoncer et exhorter, en faisant nôtre cet enseignement du Concile Vatican II : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur » (Gaudium et Spes, n° 1).

Confiants dans la force de la solidarité chrétienne, nous vous adressons ces pages, pour qu’au cœur du combat prophétique que mène l’Eglise de la RD Congo en général et celle de Bukavu en particulier, nous puissions bénéficier de votre sollicitude pastorale et de vos services afin qu’une action urgente puisse être amorcée en faveur de la paix et la justice dans notre pays à la veille du jubilé d’or de son Indépendance nationale[17].

Nous en profitons pour remercier l’Eglise de France qui s’est faite, par diverses initiatives et programme d’aide et de soutien, proche du Peuple congolais pendant toutes ces années d’épreuve et de souffrance.

En vous remerciant d’avance pour l’attention qu’il vous plaira d’accorder à ce document, nous vous en souhaitons une bonne réception et nous restons à votre disposition pour fournir tout autre renseignement ou information complémentaire.

Enfin, en vous formulant par la même occasion nos meilleurs vœux pour l’année 2010, veuillez croire, Eminence, Excellences, à l’expression de nos sentiments filiaux et dévoués en Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

                                                              Fait à Paris, le 12 janvier 2010

Prêtres de l’Archidiocèse de Bukavu en insertion pastorale et en mission d’études en France :

Abbé  MWEZE Simon, Diocèse de Créteil

Abbé ZIHALIRWA Albert, Diocèse de Nanterre

Abbé GOMBANIRO Faustin, Diocèse de Chartres

Abbé NJOLOKO Emmanuel, Archidiocèse de Paris

Abbé MUKATA Patrice, Diocèse de Meaux

Abbé BAVURHA Joseph, Archidiocèse de Toulouse

Abbé MUSANGANYA Dieudonné, Diocèse de Nanterre

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SE BATTRE JUSQU'AU DERNIER SOUFFLE POUR LA LIBERATION DU KONGO
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